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L’ÉDUCATION MORALE.

d’agrégation n’ont qu’une idée : passer leur examen aussitôt prêts. » Les facultés redeviennent ainsi des réunions d’écoles spéciales.

Aussi, à côté de ces élèves qui forment déjà le noyau du personnel des étudiants, il importe de laisser une large place pour les jeunes gens de bonne volonté. Un grand nombre de jeunes gens ne savent comment employer leur temps au sortir du lycée : — « Il va toujours faire son droit, dit le père de famille en parlant de son fils, et nous verrons après ! » — C’est ainsi, dit M. Lavisse, que beaucoup de jeunes gens ont fait leur droit, faute de pouvoir faire autre chose, sans se destiner pour cela aux carrières juridiques, et alors que l’enseignement des facultés des sciences ou des lettres leur aurait été bien plus profitable. « Chacun de nous connaît nombre de cultivateurs, d’industriels, de commerçants, d’oisifs qui ont encombré dans leur jeunesse, sinon les salles des cours, au moins les registres d’inscription des facultés de droit, et dont la place était dans les laboratoires ou dans les auditoires de la Sorbonne. Ils y auraient reçu et des notions plus utiles à leur vie et cette culture générale qui est trop rare dans notre pays. »

Notre classification des facultés est artificielle ; leur division avec des frontières distinctes nuit à l’unité de la science. Il faudrait revenir, pour les lettres et pour les sciences, à l’ancien usage, encore maintenu dans la plupart des universités étrangères : il faudrait réunir les facultés actuellement séparées en une Faculté des arts, comme on disait autrefois, ou en une Faculté de philosophie, comme on dit en Allemagne. La séparation des facultés a pour la première fois trouvé place dans l’Université napoléonienne ; elle a eu pour effet de nuire à une foule d’enseignements et de produire une sorte d’anarchie.


VII. — Les grandes écoles sont à la fois nécessaires et dangereuses. À l’École polytechnique, on ne fait que de la science pure ; les cours forment comme une large encyclopédie physico-mathématique ; l’instruction qu’on y reçoit est une instruction générale, destinée à développer l’esprit scientifique et à fournir à chacun l’outil qui lui servira plus tard dans ses travaux personnels. En un mot, l’école ne produit ni des ingénieurs ni des officiers ;