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L’ÉDUCATION MORALE.

aboutit à cette œuvre le plus souvent machinale, la rédaction, — travail de manœuvre et de copiste. Il faudrait y substituer les méthodes actives. Enseignons peu de sciences, mais enseignons-les scientifiquement, c’est-à-dire en refaisant la science et en la faisant refaire aux élèves. Ce sont les élèves qui devraient, à tour de rôle, faire les manipulations et les expériences ; ce sont les élèves qui devraient entretenir, soigner les machines, faire les collections de plantes, de minéraux, herboriser[1]. On ne donne pas assez aux élèves le lien qui relie la théorie et la pratique, les habitudes de précision et d’observation. Il faudrait commencer par l’étude des sciences physiques et naturelles, sans oublier celles d’un usage journalier dans la vie, comme l’hygiène, avec les notions de physiologie sur lesquelles elle repose. Il n’est guère de personne, dit Spencer, qui n’avoue, si vous l’interrogez, qu’elle s’est, dans le cours de sa vie, attiré des maladies dont la plus simple notion de physiologie l’aurait préservée. « Ici c’est une maladie de cœur, conséquence d’une fièvre rhumatismale amenée par une imprudence. Une personne boite parce qu’en dépit de la douleur elle a continué à se servir d’un genou légèrement blessé. Une autre personne a dû rester couchée pendant des années, parce qu’elle ignorait que les palpitations dont elle souffrait étaient un des effets de la fatigue de son cerveau. Tantôt c’est une blessure incurable qui provient de quelque sot tour de force ; tantôt c’est une constitution qui ne s’est jamais relevée des suites d’un travail excessif entrepris sans nécessité. » Les « péchés contre l’ordre physique », tant ceux de nos ancêtres que les nôtres, en altérant la santé, font de la vie une infirmité et un fardeau, au lieu d’un bienfait et d’une jouissance.


IV. Le nouvel enseignement spécial annexé aux lycées, écrivait autrefois Bersot, a ceci de fâcheux que les autres élèves le méprisent et « marquent ce mépris par le nom qu’ils lui donnent… Ils sont si bien convaincus de leur supériorité, qu’ils en convainquent ceux-là même qu’ils en accablent… Le préjugé établi est qu’on n’entre pas de soi-même dans les cours professionnels, mais qu’on y

  1. Voir sur ce sujet M. Manœuvrier et M. Blanchard.