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L’ÉDUCATION MORALE.

Puisque c’est un fait reconnu qu’à voyager on gagne une grande ouverture d’esprit, à tout le moins devra-t-on prêter l’oreille aux récits de toutes sortes faits sur les différentes contrées et leurs habitants. Tolstoï, d’ailleurs, concédera plus tard que la lecture des relations de voyage ne peut être que profitable. Et enfin, — surtout peut-être, — il est sage d’apporter dans l’enseignement une certaine méthode permettant de ménager les forces, de les diriger aussi, d’empêcher qu’elles ne s’égrènent le long du chemin. Une suite dans les idées et les efforts n’implique d’ailleurs nullement le prosaïsme. N’oublions pas, seulement, que discuter l’intérêt d’une chose, c’est presque toujours le lui refuser ; que, tout au contraire, au travail accompli sans arrière-pensée s’attache une sorte d’intérêt d’office, — intérêt que les enfants trouveront toujours tant bien que mal à leur service, s’ils ne sont pas laissés juges de ce qui est utile ou non, s’ils ne sont pas laissés maîtres d’abandonner ou de poursuivre le travail entrepris.


On ne peut assurément prendre pour guide Tolstoï, qui est un poète à la poursuite d’une méthode d’éducation utopique, sans règle et sans discipline. Pourtant, il y a encore du vrai dans ses observations psychologiques sur la géographie. La géographie est un prétexte à apprendre une foule d’autres choses : par elle-même, elle est fort ingrate et doit être réduite au nécessaire. En s’y prenant comme Tolstoï, et avec des élèves moins dilettantes, on pourrait, de l’endroit où l’on se trouve, passer à la description de pays de plus en plus éloignés, en racontant comment ils ont été découverts, les mœurs, les coutumes des races qui les peuplent, les productions de leur sol. En définitive, c’est la vie humaine, nationale et internationale, qu’il faut montrer par l’intermédiaire de la géographie.


Concluons que, quelle que soit la science qu’il s’agisse d’enseigner à l’école, tout enseignement ne doit jamais être une affaire de mémoire, d’érudition, de pur savoir, mais une question de culture intellectuelle, morale, civique. Maintenir la balance en équilibre entre les diverses branches de l’enseignement, ne prendre de chacune d’elles que les données essentielles et repousser sans merci les détails envahisseurs, telle est la tâche de l’éducation. Son but et son but unique, encore une fois, est de