des matières qui, somme toute, dépassent leur portée. Seulement, la faculté de comprendre se développe comme toutes les autres avec le temps ; l’essentiel est donc le premier pas, le seul qui coûte, et c’est toujours une bonne avance que de l’avoir fait. Remettre à plus tard ce qui ne peut être entièrement compris aujourd’hui est un mauvais calcul : plus tard il y aura tant à apprendre ! et surtout, il faut y être préparé. Pour plier l’esprit comme le corps à une certaine gymnastique, on doit s’y prendre de bonne heure.
De même que pour l’histoire l’idée de commencer par la fin, de même, pour la géographie, l’idée a germé et grandi de commencer par la description de l’école, par le village. On en a fait l’essai en Allemagne. Tolstoï, découragé par l’insuccès de la géographie ordinaire, se mit, lui aussi, à décrire la classe, la maison, le village. « Comme le tracé des plans, de pareils exercices ne sont pas sans utilité ; mais savoir quelle terre vient après notre village ne les intéresse guère, parce qu’ils savent tous que c’est Téliatinkis, et savoir qu’est-ce qui vient après Téliatinkis ne les intéresse guère, parce que c’est, sans aucun doute, un village du genre de Téliatinkis, et Téliatinkis avec ses champs ne les intéresse pas du tout. — J’ai essayé de prendre des points de repère, comme Moscou, Kiev ; mais tout cela se brouillait si bien dans leur tête qu’ils étaient obligés de l’apprendre par cœur. — J’ai essayé de dessiner des cartes, et cela les amusait, aidait leur mémoire ; mais de nouveau apparaissait la question : — Pourquoi aider la mémoire ? — J’ai encore essayé de leur parler des terres polaires et équatoriales ; ils écoutaient avec plaisir, et racontaient ensuite, mais ils retenaient tout de ces récits, sauf ce qu’il y avait de géographique en eux. En fait, le tracé des plans du village était le tracé des plans, mais pas la géographie ; le dessin des cartes était le dessin des cartes, mais pas la géographie ; les récits d’animaux, de forêts, de glaces et de villes, étaient des récits, mais pas la géographie. La géographie était uniquement ce qui s’apprenait par cœur. » Les enfants, ajoute Tolstoï, racontent, mais ils retiennent rarement le nom et la position sur la carte du pays où se passe l’événement raconté ; l’événement seul leur reste dans l’esprit la plupart du temps. « Quand Mitrofanouchka étudie la géographie, sa mère lui dit : À quoi bon apprendre toutes les terres ? Le cocher te mènera bien