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L’ÉCOLE.

devrait avoir pour but essentiel de développer l’observation et le raisonnement, pour but secondaire de fournir à l’élève quelques notions utiles et pratiques, en une proportion qui rende possible un souvenir durable. Comme le nombre des objets d’enseignement va croissant, il faudrait recourir, pour les diverses études, à d’autres procédés que ceux qui sont en usage : il faudrait confondre le plus souvent possible la leçon et la récréation ; c’est le moyen d’instruire sans fatiguer. De là l’utilité des promenades scolaires. Ce qu’il y a encore de meilleur dans la botanique, c’est qu’elle fait prendre l’air des champs. Si saint Louis rendait la justice sous un chêne, l’instituteur peut bien enseigner sous un chêne non seulement l’histoire naturelle, mais l’histoire de France, surtout celle du temps des Druides. Rien n’empêche, pour varier les sujets d’enseignement, de prendre aussi de temps à autre pour but de promenade une mine, une usine, un monument historique, enfin tout ce qu’il y a d’intéressant dans le pays.

VII. Tolstoï raconte d’une façon pleine d’humour son tâtonnement dans l’enseignement de l’histoire. Il commença l’histoire comme on la commence toujours, par l’ancienne. Mais les enfants ne se souciaient ni de Sésostris, ni des Pyramides d’Égypte, ni des Phéniciens. De l’histoire ancienne il leur arrivait bien de retenir et de goûter quelque passage, Sémiramis, etc., mais accidentellement, et non parce qu’il leur apprenait quelque chose, mais parce qu’il était conté avec art. De telles pages étant rares, Tolstoï essaya de l’histoire russe, il commença cette « triste Histoire de Russie, sans art, comme sans utilité, et qui, de Tchimov à Vodovozov, a subi tant de transformations ». Il s’embrouilla dans les Mstislav, les Vriatschislav, et les Boleslax[1]. Toutes les puissances intellectuelles des enfants entrèrent en jeu pour retenir ces noms « merveilleux » ; ce qu’avaient fait ces personnages, c’était pour les élèves une affaire secondaire. — « Voilà lui… — Comment l’appelle-t-on ? — Barikav, ou quoi ? commença un élève, — marcha contre… comment l’appelle-t-on ? — Mouslav, Léon Nikolaïevitch ? murmura une fillette. — Mstislav, répondis-je. — … Et tailla l’ennemi en pièces, dit fièrement l’un. — Attends, toi ! Il y avait là une

  1. Miecislas, Vratislas, Boleslas.