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L’ÉDUCATION MORALE.

vures et les photographies, si nombreuses et si variées aujourd’hui, parlent aux yeux ; enfin, avec un peu de préparation, il n’est point trop difficile au maître de les commenter, d’en raisonner le détail et l’ensemble. Même, après initiation, l’enfant peut saisir suffisamment le caractère de la sculpture, comprendre le Quand même, de Mercier ou la Défense de Paris, de Barrias.


VI. Après l’enseignement moral, civique et esthétique, examinons l’instruction intellectuelle donnée dans les écoles. Les programmes de l’instruction primaire comprennent aujourd’hui la lecture et l’écriture, la langue et les éléments de la littérature française ; la géographie, particulièrement celle de la France ; l’histoire, particulièrement celle de la France jusqu’à nos jours ; quelques notions usuelles de droit et d’économie politique, les éléments des sciences naturelles, physiques et mathématiques ; leurs applications à ragriculture, à l’hygiène, aux arts industriels ; les travaux manuels et l’usage des outils des principaux métiers ; les éléments du dessin, du modelage et de la musique ; la gymnastique, les exercices militaires. En voulant faire apprendre et comprendre aux jeunes gens, en quelques années, tant de choses à la fois, on use par une tension prématurée les ressorts délicats des jeunes esprits, et on risque d’affaihlir du môme coup l’énergie intellectuelle et morale.

La partie littéraire, grammaticale, historique et scientifique, soumet nos écoles au système que les Anglais appellent le cramming. A-t-on accompli un grand progrès quand on a rempli les têtes de faits, de dates, de mots, de formules ? Ce ne sont pas les mots qui manquent dans la tête des enfants, mais les idées ; ce sont donc des idées qu’il faudrait leur donner. Par malheur, l’érudition envahit tout, même la grammaire, dans les écoles. Réservons pour l’enseignement secondaire, et plus encore pour l’enseignement supérieur, les commentaires historiques, la grammaire comparée, la lexicologie et la phonétique. N’embarrassons point nos enfants et leurs maîtres de hautes spéculations dont ils n’ont que faire. Craignons, en imitant trop les méthodes allemandes, de substituer un pédantisme lourd et sec à un « pédantisme frivole ».

À l’école comme au collège, l’enseignement scientifique devient un emmagasinage pour la mémoire, quand il