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L’ÉCOLE.

préceptes ». Mais il reste toujours une grande lacune à combler : c’est le temps qui s’écoule entre la sortie des écoles, — vers quatorze ans, — et l’âge de la majorité politique. Dans cet intervalle, il est certain que l’adolescent se trouve livré à lui-même, qu’il est exposé à oublier une bonne partie de ce qu’on lui a appris, que l’enseignement civique, en particulier, sort de sa mémoire juste au moment où il deviendrait le plus nécessaire. Si on trouve légitime de demander trois ou cinq années aux jeunes gens pour recevoir l’instruction militaire, ne serait-il pas légitime de leur demander quelques heures par semaine pour acquérir des notions positives d’instruction politique et de droit constitutionnel ? La défense contre a l’invasion des barbares à l’intérieur » est aussi essentielle, dans nos démocraties, que la défense contre les invasions de l’étranger. Nous sommes de ceux qui croient qu’il serait désirable, tout le temps que le jeune soldat est à l’armée, de lui apprendre non pas seulement sa ce théorie » militaire, mais aussi ce qu’on a appelé la théorie civique : les principes de la constitution française, l’organisation de l’État, les devoirs et les droits des citoyens. Cet enseignement devrait être fait au moyen de livres écrits en dehors de tout parti, de toute préoccupation politique ou religieuse.

En Belgique, on a institué des examens par lesquels on est admis à participer au droit de suffrage : ce serait là peut-être un bon exemple à suivre[1].

  1. La nouvelle loi belge prend pour base de l’électoral la capacité, non censitaire, mais intellectuelle et morale. Un jury fait passer aux candidats un examen électoral, comprenant des questions très simples sur la morale, l’histoire de la Belgique, les institutions constitutionnelles, la lecture, récriture, le calcul, la géographie.

    Avant d’en arriver là, on avait fait des expériences sur les résultats de l’enseignement primaire : on a soumis les miliciens, restés à l’école quatre ou six ans, à un examen d’une extrême simplicité. On leur a demandé, par exemple, quelles sont les quatre grandes villes du pays et les cours d’eau sur lesquels elles sont situées. 35 pour 100 n’ont fait aucune réponse ; 44 pour 100 n’ont fait qu’une réponse partielle. — À cette question : « Par qui les lois sont-elles faites ? » 50 pour 100 n’ont rien pu répondre ; 82 pour 100 ont répondu que les lois sont faites par le roi, ou par le roi et la reine, ou par les ministres, ou par le gouvernement, ou par le sénat ; 15 pour 100 ont satisfait à la question. Quand il fallut citer un Belge illustre, 67 pour 100 ont cité des notabilités étrangères, prises dans tous les genres et dans tous les lieux ; 20 pour 100 n’ont pu citer que Léopold Ier ou Léopold II. Tels sont les effets insuffisants de la loi belge de 1842 sur l’instruction primaire.

    Bluntschli, sans entrer dans ces détails, propose à l’État pour modèle « la