L’instruction primaire s’adresse à cette masse qui constitue le fond même de la nation, son fond héréditaire, avec ses qualités et ses défauts ; il importe donc d’agir dans un sens favorable sur ces couches profondes. Or, c’est ici surtout qu’il faut, selon le mot de Montesquieu, avoir des « têtes bien faites », non des « têtes bien pleines » ; il faut aussi, il faut surtout avoir des cœurs bien placés.
La statistique judiciaire constatait, au commencement de ce siècle, sur 100 prévenus, 61 ignorants contre 39 individus ayant reçu quelque instruction. Devant une telle proportion d’illettrés, on a cru l’ignorance la cause principale de la criminalité et on s’est efforcé de répandre l’instruction primaire. Aujourd’hui que l’instruction est obligatoire, le résultat est simplement renversé : sur 100 accusés, 70 sont lettrés, 30 sont illettrés. Force a donc été de reconnaître que la plus ou moins grande proportion d’ignorants chez les criminels tient à la plus ou moins grande ignorance des masses, non à l’effet démoralisant de l’ignorance seule. Quelques auteurs, comme M. Tarde, pensent que l’instruction supérieure est seule assez puissante pour élever l’esprit à un degré où l’idée du crime ne puisse plus se produire. On leur a objecté que, si la criminalité compte peu de gens véritablement instruits,