Or, le paysan français est tout le contraire d’un pessimiste : il excelle à prendre, comme il dit, la vie du bon côté. D’ailleurs, la majorité de la nation française a gardé un fonds de spiritualisme, et si le paysan a bien souvent rejeté les dogmes religieux, il n’en reste pas moins respectueux à l’égard du grand problème de la mort : le plus incrédule, dans son langage simple, vous dira qu’enterrer un homme ou un chien, ce n’est pas la même chose ; la mort, pour lui, doit s’accompagner de paroles d’espérance ; de là, à ses yeux, l’utilité du prêtre. Et cet état de choses ne date pas d’aujourd’hui. Mais il est vrai de dire que ces principes, respect de la mort et croyance hésitante dans l’immortahté, mis en regard du véritable défaut du paysan français, qui est d’être un calculateur très réfléchi — de plus en plus réfléchi — ne suffisent pas à le faire passer à cette conséquence pratique, peut-être un peu inattendue, et bien difficile à y rattacher : croissez et multipliez. Du moment que les mobiles économiques et sociaux se trouvent placés en première ligne, la question de la fécondité devient avant tout un objet de réformes économiques et sociales, une affaire d’éducation morale, et publique aussi.
Il est essentiel, dans l’éducation publique, non pas de traiter ouvertement la question de l’infécondité volontaire, mais de montrer les avantages d’une population nombreuse, et pour la race, et pour la patrie, et pour la famille. Les chiffres que nous venons de transcrire sur la population allemande sont à eux seuls assez éloquents. Il y a des préjugés économiques, moraux et sociaux à dissiper en France, — et les économistes n’ont pas eu une petite part dans la diffusion de ces préjugés. Il n’est pas difficile, dans les écoles primaires et les lycées, en enseignant la géographie et l’économie politique, d’insister sur l’élément de puissance, de richesse intellectuelle, de sélection sociale, qu’apporte aux États une population considérable. Des conférences faites aux soldats, aux ouvriers, aux paysans, peuvent aussi montrer les avantages de la population nombreuse ; il n’y a pas besoin pour cela d’entrer dans des détails capables d’effaroucher les oreilles pudiques. Il importe seulement d’habituer tous les esprits à considérer l’avenir de la nation et de la race.