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L’ÉDUCATION PHYSIQUE ET L’HÉRÉDITÉ.

notre race. L’hérédité finira, si on n’y met ordre, par amener une dégénérescence progressive, et notre intelligence, loin d’y gagner, y perdra. Nous avons la superstition de l’instruction intellectuelle, étant un peuple intellectualiste ; il faut nous en guérir, nous persuader qu’un homme robuste et fécond est plus important pour la race qu’un homme qui a meublé sa mémoire d’une foule de connaissances dont la plupart sont inutiles.


VI. À la question de l’hérédité et de l’éducation se rattache celle de la fécondité physique et de la natalité, en tant que soumise à la volonté de l’homme, à ses croyances, à ses idées, à ses intérêts apparents ou réels. Cette question est capitale pour la race française. Nous l’avons déjà traitée ailleurs, et nous devons répéter ici combien il importe de bien comprendre le danger qui nous menace.

Au dernier recensement fait en Allemagne, en décembre 1885, la population du nouvel empire atteignait le total de 46 855 704 habitants. En 1870, le nombre d’individus présents sur le même territoire n’était que de 40 816 249. Si l’on tient compte du chiffre de l’émigration pour les pays d’outre-mer et de l’excédent de naissances, l’accroissement effectif atteint le nombre de 535 444. D’une année à l’autre, la population de l’empire allemand augmente ainsi de plus d’un demi-million d’habitants. Supposons que ce mouvement continue, avec l’accroissement proportionnel de la période décennale de 1871 à 1880, il faudra à peine soixante ans pour élever au double la population actuelle de l’Allemagne. Après les guerres du premier empire, en 1816, les pays de la Confédération germanique qui font partie de l’Allemagne unifiée d’aujourd’hui comptaient ensemble 24 millions d’habitants. Ils pourront en avoir 170 millions vers la fin du siècle prochain, avec une densité de 315 individus par kilomètre, contre 84 en 1880, sans agrandissement territorial. Comparé aux progrès de l’empire allemand, le mouvement de la population, en France, reste à peu près stationnaire, atteignant à peine le total de 37 321 186 individus lors du recensement de 1881 contre 32 569 223 en 1831. Il a accusé une augmentation annuelle de 0,2 pour 100 seulement dans l’intervalle des deux derniers relevés quinquennaux, c’est-à-dire de six à sept fois inférieure à l’accroissement numérique des Allem.ands. Fait