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L’ÉDUCATION MORALE.

dans les montagnes, en face des grands spectacles de la nature ; les préparer par des marches en commun, le sac au dos, le bâton terré à la main, aux épreuves du volontariat d’un an, et même aux fatigues de la guerre ; leur assurer le long du voyage la surveillance bienveillante d’un chef expérimenté, (les leçons de physique, de géologie et de botanique, données en plein air, sous le ciel bleu, pendant les haltes ; distraire l’esprit, sans cesser de l’instruire ; élever l’âme en fortifiant le corps ». Beaucoup de grands établissements sont aujourd’hui entrés dans cette voie et ont institué des voyages pendant les grandes et les petites vacances. Il y a là, outre une excellente application de l’hygiène, une idée morale et patriotique. Malheureusement ces voyages, qui nécessitent des dépenses assez élevées, ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Aussi M. Cottinet a-t-il imaginé de conduire les enfants pendant un mois soit à la campagne, soit aux bords de la mer, sans qu’il en coûte rien à leurs parents, grâce aux souscriptions volontaires. Or, dit-il, l’expérience l’a démontré : ce simple mois de campagne constitue pour eux une cure héroïque. « Et l’on a pu constater ces deux choses d’une éloquence égale : avant leur départ pour la campagne, le poids de ces enfants, la circonférence de leur poitrine, sont fort au-dessous, lamentablement au-dessous de la moyenne assignée à leur âge ; à leur retour, la proportion s’est renversée : ils ont gagné de cinq à dix, à vingt fois l’accroissement normal ! »

L’instituteur qui dirigeait la colonie de garçons installée à Bussang a introduit un perfectionnement au contrôle hygiénique des résultats obtenus. C’est un état individuel de la condition physique de chaque enfant. Cet état a pour base, avant le départ, les déclarations des parents et du directeur de l’école, en même temps qu’un examen approfondi. Il est complété au retour par la comparaison des résultats acquis. Si les médecins attachés à nos écoles primaires adoptaient, en la généralisant, cette méthode, s’ils établissaient pour chaque enfant une feuille d’état sanitaire, qu’ils reviseraient une fois par mois ou par trimestre, un grand progrès serait accompli. On se rendrait compte de ce que les enfants gagnent en force et en santé, ces deux richesses premières pour l’individu et pour la race.

Il est d’autant plus urgent de réorganiser l’éducation physique en France que la force corporelle baisse dans