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L’ÉDUCATION PHYSIQUE ET L’HÉRÉDITÉ.

cas, pour remédier aux maux causés par un traitement artificiel, on a eu recours à un autre traitement artificiel. Comme on avait défendu l’exercice spontané, et qu’on voyait trop les effets de l’absence d’exercice, on a adopté ce que Spencer appelle « un système d’exercice factice ». Que cela vaille mieux que rien, nous l’admettons avec Dubois-Reymond ; mais que ce soit un équivalent du jeu, nous le nions avec Spencer. Les inconvénients de l’exercice gymnastique sont à la fois positifs et négatifs. En premier lieu, ces mouvements réglés, nécessairement moins divers que ceux qui résultent des jeux des écoliers, n’assurent pas une répartition égale d’activité entre toutes les parties du corps ; d’où il résulte que, l’exercice tombant sur une partie du système musculaire, la fatigue arrive plus tut qu’elle n’arriverait sans cela. Le docteur Lagrange a montré que la gymnastique à engins conduit, si l’on persiste trop dans certains exercices, à un développement disproportionné de certaines parties du corps. Non seulement la somme de l’exercice est inégalement distribuée, mais cet exercice, n’étant pas accompagné de plaisir, , est moins salutaire ; même quand ils n’ennuient point les élèves, à titre de leçons, ces mouvements monotones deviennent fatigants, faute du stimulant du jeu. On se sert, il est vrai, de l’émulation en guise de stimulant ; mais ce n’est point là un stimulant continuel, comme celui du plaisir qui se mêle aux jeux variés. Outre que la gymnastique est inférieure au libre jeu comme quantité d’exercice musculaire, Spencer montre qu’elle est encore inférieure sous le rapport de la qualité. Cette absence comparative de plaisir qui fait qu’on abandonne vite les exercices artificiels, fait aussi qu’ils ne produisent que des effets médiocres. L’idée vulgaire que, si l’on obtient la même somme d’exercice corporel, il importe peu que cet exercice soit agréable ou non, renferme une grave erreur. « Une excitation cérébrale accompagnée de plaisir a sur le corps, dit Spencer, une influence hautement fortifiante ». Voyez l’effet produit sur un malade par une bonne nouvelle ou par la visite d’un vieil ami ! Remarquez combien les médecins recommandent aux personnes faibles les sociétés gaies. Souvenez-vous du bien que fait à la santé le changement de lieux. « La vérité est que le bonheur est le plus puissant des toniques ». En accélérant les mouvements du pouls, le plaisir facilite l’accomplissement de toutes les fonctions ; il tend ainsi à