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L’ÉDUCATION MORALE.

Il faut multiplier et animer les récréations[1].

Enfin et surtout, il faut favoriser les exercices du corps, nécessaires pour les individus et pour la race. Jadis, par son Émile, Jean-Jacques Rousseau donna lieu, en faveur de ces exercices, à un mouvement qui se propagea surtout en Allemagne, et qui, développé par les aspirations nationales et guerrières pendant la guerre d’indépendance, donna naissance à la gymnastique allemande. À celle-ci on a opposé une forme théorique de l’exercice corporel, la gymnastique suédoise, dont la pensée fondamentale était tances, devaient « fortifier méthodiquement chaque muscle en particulier et faire atteindre l’idéal d’une musculature athlétique ». On a encore attaqué la gymnastique allemande en se plaçant au point de vue des Anglais et de leur sport. Les Anglais n’ont jusqu’à ce jour rien connu d’analogue à la gymnastique allemande. Séparés plus que jamais du continent pendant la révolution française et pendant la période de l’empire, ils ont été à peu près étrangers au mouvement commencé par Rousseau. Les aspirations de Jahn, qui avaient tant soit peu une empreinte de chauvinisme allemand, ne pouvaient guère trouver d’entrée en Angleterre. Mais les Anglais, comme le remarque Dubois-Reymond, sentaient moins le besoin de la gymnastique que les nations du continent. Grâce à

    minutes, sinon quarante de perdues. De plus, on soumet au même régime le gamin de onze ans et l’adolescent de dix-huit. On abuse des devoirs dans les basses classes et des leçons pour remplir les journées de l’enfant. L’étude du soir commence à cinq heures pour finir à sept heures et demie ou à huit heures moins le quart. Deux heures et demie, tout entières, en tête à tête avec un thème, une version ou un problème de mathématiques.

  1. On n’y joue plus, du moins à partir de la troisième ; on circule autour d’une triste cour, généralement sans arbres, de droite à gauche, dit le docteur Gauthier, et non de gauche à droite, dans certains lycées où le mouvement giratoire sinistrorsum est considéré comme subversif. On n’y chante plus ; les cris sont séditieux ou du moins mal tolérés ; ils fatiguent les oreilles des maîtres et du proviseur. On ne connaît plus ni le jeu de balle, ni celui de boule, ni celui de corde, de saute-mouton, de palet, de Tours, des barres, etc. On marche, on tourne dans ces cages étroites qu’on appelle des cours ; « on se blottit dans les encoignures, s’il fait froid ou s’il pleut : on cause de cette causerie parfois malicieuse et suspecte à laquelle les établissements religieux préfèrent à bon droit les exercices violents auxquels prennent part les maîtres eux-mêmes. » De plus, ces récréations durent en tout deux heures cinquante minutes pour les petits, une heure cinquante minutes seulement pour les grands.