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L’ÉDUCATION MORALE.

nat existe néanmoins en Allemagne, à l’état d’exception.

En matière d’organisation scolaire, les États-Unis se sont inspirés tout à la fois de l’Allemagne et de l’Angleterre ; on y trouve pour les classes aisées des collèges en tout semblables à celui de Harrow par exemple.

Jusqu’à quel point ces divers systèmes sont-ils applicables dans notre pays, avec nos mœurs actuelles ? En ce qui concerne l’adoption du système tutorial anglais, on objecte que, site professeur remplit en même temps l’office de tuteur, il est difficile que la fonction n’en éprouve pas quelque détriment. On ne joint pas impunément au travail de la préparation d’une classe le souci absorbant d’une éducation privée. « L’Université, dit Bersot, a un corps de professeurs très distingué et très considéré, d’une condition de fortune modeste, mais indépendant des familles dont il élève les enfants, entièrement livré aux travaux des classes, ou bien y associant d’autres travaux qui sont comptés parmi les plus sérieux ouvrages de notre temps ; nous n’avons aucune envie qu’il cesse d’être ce qu’il est, et de faire ce qu’il fait bien ». En représentant nos professeurs comme entièrement livrés aux travaux des classes, Bersot oublie que les neuf dixièmes, au contraire, passent leur journée à donner des leçons particulières, des répétitions, non moins absorbantes et hébétantes que le tutorat. Il est bien évident d’ailleurs que ceux-là seulement se chargeraient de pensionnaires.

L’école modèle alsacienne, où la plupart des réformes réclamées par les pédagogues modernes ont été introduites, a réussi à remplacer l’internat par le régime tutorial. Le directeur de l’école s’en félicitait naguère avec juste raison ; il opposait à la vie de l’interne dans le meilleur des lycées l’existence de l’enfant dans une des maisons de professeurs. L’enfant couche dans sa chambre ; sa vie privée est surveillée comme elle le serait par son père et par sa mère, mais elle est respectée. Il se lève de bonne heure, non pas au son de la cloche ou du tambour, mais parce que tout le monde se lève dans la maison et qu’il y est de tradition que le travail du matin est le plus

    petits bénéfices ; les parents, en venant le mercredi au marché, apportaient à leurs enfants les provisions de la semaine ; les chambrées faisaient le ménage en commun avec beaucoup de cordialité, de gaieté et d’économie. Ce système était celui du moyen âge. C’est encore celui de l’Angleterre et de l’Allemagne, pays si avancés pour tout ce qui touche aux questions d’éducation. »