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L’ÉDUCATION MORALE.

qu’il règne dans le monde un état de paix comparative ; aujourd’hui que la force musculaire ne sert plus guère qu’aux travaux manuels et que le succès dans la vie dépend presque entièrement de la force de l’intelligence, notre éducation est devenue presque exclusivement intellectuelle. Au lieu de respecter le corps et de négliger l’esprit, nous respectons l’esprit et nous négligeons le corps. « Peu de gens, ajoute Spencer, paraissent comprendre qu’il existe une chose dans le monde qu’on pourrait appeler la moralité physique. Les hommes semblent croire en général qu’il leur est loisible de traiter leur corps comme ils l’entendent ».

Quoique les conséquences mauvaises de cette conduite sur ceux qui s’en rendent coupables et sur les générations futures soient souvent aussi funestes que celles du crime, ils ne se croient pas le moins du monde criminels. Il est vrai que, dans le cas de l’ivrognerie, par exemple, on reconnaît ce que la transgression a de vicieux ; mais personne ne parait en inférer que, si une transgression donnée des lois de l’hygiène est coupable, toutes les transgressions de même nature le sont également. La vérité est que tout préjudice porté volontairement à la santé est un péché physique.

Le but de l’éducation est de développer toutes les puissances d’un être, de le faire agir dans tous les sens, de lui faire dépenser le plus possible et, pour cela, de ne lui faire faire que des dépenses faciles à réparer, excitant même à la réparation et en quelque sorte réparatrices. L’exercice au grand air est le type des dépenses de ce genre. Le type contraire, c’est le séjour prolongé dans un milieu malsain, comme certaines usmes, comme le simple bureau mal aéré de l’employé, comme les salons où se dépense une bonne partie de l’existence inutile des classes bourgeoises, enfin comme les écoles et collèges de France où la sédentarité est exagérée. Le plus grand ennemi pour la santé du corps, c’est la sédentarité ; pour l’esprit, c’est l’habitude de l’inattention. L’idéal de l’éducateur est donc d’obtenir de l’enfant pendant un court moment toute son attention, puis de la laisser se détendre et réparer la dépense.


II. Il y a bien des défauts d’hygiène dans les établissements d’instruction : le temps des repas est trop court, les