Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un petit vent sec les saisit. Un de ces vents froids d’été, qui sentent déjà l’automne.

Des nuages galopaient dans le ciel, voilant, puis redécouvrant les étoiles.

Le baron serrait contre lui le bras de sa fille en lui pressant tendrement la main. Ils marchèrent quelques minutes. Il semblait indécis, troublé. Enfin il se décida.

— Mignonne, je vais remplir un rôle difficile qui devrait revenir à ta mère ; mais comme elle s’y refuse, il faut bien que je prenne sa place. J’ignore ce que tu sais des choses de l’existence. Il est des mystères qu’on cache soigneusement aux enfants, aux filles surtout, aux filles qui doivent rester pures d’esprit, irréprochablement pures jusqu’à l’heure où nous les remettons entre les bras de l’homme qui prendra soin de leur bonheur. C’est à lui qu’il appartient de lever ce voile jeté sur le doux secret de la vie. Mais elles, si aucun soupçon ne les a encore effleurées, se révoltent souvent devant la réalité un peu brutale cachée derrière les rêves. Blessées en leur âme, blessées même en leur corps, elles refusent à l’époux ce que la loi, la loi humaine et la loi naturelle lui accordent comme un droit absolu. Je ne puis t’en dire davantage, ma chérie ; mais n’oublie point ceci, que tu appartiens tout entière à ton mari.

Que savait-elle au juste ? que devinait-elle ? Elle s’était mise à trembler, oppressée d’une mélancolie accablante et douloureuse comme un pressentiment.

Ils rentrèrent. Une surprise les arrêta sur la porte du salon. Mme Adélaïde sanglotait sur le cœur de Julien. Ses pleurs, des pleurs bruyants poussés comme par