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un vase quelconque et se verser à grands flots dans la gorge, en renversant la tête, le liquide qu’ils préféraient.

Sur une table on trouvait du pain, du beurre, du fromage et des saucisses. Chacun avalait une bouchée de temps en temps, et, sous le plafond de feuilles illuminées, cette fête saine et violente donnait aux convives mornes de la salle l’envie de danser aussi, de boire au ventre de ces grosses futailles en mangeant une tranche de pain avec du beurre et un oignon cru.

Le maire qui battait la mesure avec son couteau s’écria : « Sacristi ! ça va bien, c’est comme qui dirait les noces de Ganache. »

Un frisson de rire étouffé courut. Mais l’abbé Picot, ennemi naturel de l’autorité civile, répliqua : « Vous voulez dire de Cana. » L’autre n’accepta pas la leçon. « Non, monsieur le curé, je m’entends ; quand je dis Ganache, c’est Ganache. »

On se leva et on passa dans le salon. Puis on alla se mêler un peu au populaire en goguette. Puis les invités se retirèrent.

Le baron et la baronne eurent à voix basse une sorte de querelle. Mme  Adélaïde, plus essoufflée que jamais, semblait refuser ce que demandait son mari ; enfin elle dit, presque haut : « Non, mon ami, je ne peux pas, je ne saurais comment m’y prendre. »

Petit père alors, la quittant brusquement, s’approcha de Jeanne. « Veux-tu faire un tour avec moi, fillette ? » Tout émue, elle répondit : « Comme tu voudras, papa. » Ils sortirent.

Dès qu’ils furent devant la porte, du côté de la mer,