Et tout à coup les doigts de la tante furent secoués d’un tremblement si fort que son ouvrage s’en échappa ; la pelote de laine roula au loin sur le parquet ; et, cachant brusquement sa figure dans ses mains, elle se mit à pleurer par grands sanglots convulsifs.
Les deux fiancés la regardaient stupéfaits, immobiles. Jeanne brusquement se mit à ses genoux, écarta ses bras, bouleversée, répétant :
— Mais qu’as-tu, mais qu’as-tu, tante Lison ?
Alors la pauvre femme, balbutiant, avec la voix toute mouillée de larmes, et le corps crispé de chagrin, répondit :
— C’est quand il t’a demandé… N’avez-vous pas froid à… à… à vos chers petits pieds ?… on ne m’a jamais dit de ces choses-là… à moi… jamais… jamais…
Jeanne, surprise, apitoyée, eut cependant envie de rire à la pensée d’un amoureux débitant des tendresses à Lison ; et le vicomte s’était retourné pour cacher sa gaieté.
Mais la tante se leva soudain, laissa sa laine à terre et son tricot sur le fauteuil, et elle se sauva sans lumière dans l’escalier sombre, cherchant sa chambre à tâtons.
Restés seuls, les deux jeunes gens se regardèrent, égayés et attendris. Jeanne murmura : « Cette pauvre tante !… » Julien reprit : « Elle doit être un peu folle, ce soir. »
Ils se tenaient les mains sans se décider à se séparer, et doucement, tout doucement, ils échangèrent leur premier baiser devant le siège vide que venait de quitter tante Lison.