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homme de mois en mois ; de mois en mois elle devenait une vieille femme. Son père paraissait son frère, et tante Lison, qui ne vieillissait point, restée fanée dès son âge de vingt-cinq ans, avait l’air d’une sœur aînée.

Poulet ne travaillait guère ; il doubla sa quatrième. La troisième alla tant bien que mal ; mais il fallut recommencer la seconde ; et il se trouva en rhétorique alors qu’il atteignait vingt ans.

Il était devenu un grand garçon blond, avec des favoris déjà touffus et une apparence de moustaches. C’était lui maintenant qui venait aux Peuples chaque dimanche. Comme il prenait depuis longtemps des leçons d’équitation, il louait simplement un cheval et faisait la route en deux heures.

Dès le matin Jeanne partait au-devant de lui avec la tante et le baron qui se courbait peu à peu et marchait ainsi qu’un petit vieux, les mains rejointes derrière son dos comme pour s’empêcher de tomber sur le nez.

Ils allaient tout doucement le long de la route, s’asseyant parfois sur le fossé, et regardant au loin si on n’apercevait pas encore le cavalier. Dès qu’il apparaissait comme un point noir sur la ligne blanche, les trois parents agitaient leurs mouchoirs ; et il mettait son cheval au galop pour arriver comme un ouragan, ce qui faisait palpiter de peur Jeanne et Lison et s’exalter le grand-père qui criait « Bravo » dans un enthousiasme d’impotent.

Bien que Paul eût la tête de plus que sa mère, elle le traitait toujours comme un marmot, lui demandant encore : « Tu n’as pas froid aux pieds, Poulet ? » et, quand il se promenait devant le perron, après déjeu-