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tiques. Beaucoup pleuraient. On entendait un bruit de larmes dans la grande cour à peine éclairée.

Jeanne et Poulet s’étreignirent longtemps. Tante Lison restait derrière, oubliée tout à fait et la figure dans son mouchoir. Mais le baron, qui s’attendrissait, abrégea les adieux en entraînant sa fille. La calèche attendait devant la porte ; ils montèrent dedans tous trois et s’en retournèrent dans la nuit vers les Peuples.

Parfois un gros sanglot passait dans l’ombre.

Le lendemain Jeanne pleura jusqu’au soir. Le jour suivant elle fit atteler le phaéton et partit pour le Havre. Poulet semblait avoir déjà pris son parti de la séparation. Pour la première fois de sa vie il avait des camarades ; et le désir de jouer le faisait frémir sur sa chaise au parloir.

Jeanne revint ainsi tous les deux jours, et le dimanche pour les sorties. Ne sachant que faire pendant les classes, entre les récréations, elle demeurait assise au parloir, n’ayant ni la force ni le courage de s’éloigner du collège. Le proviseur la fit prier de monter chez lui, et il lui demanda de venir moins souvent. Elle ne tint pas compte de cette recommandation.

Il la prévint alors que, si elle continuait à empêcher son fils de jouer pendant les heures d’ébats, et de travailler en le troublant sans cesse, on se verrait forcé de le lui rendre ; et le baron fut prévenu par un mot. Elle demeura donc gardée à vue aux Peuples, comme une prisonnière.

Elle attendait chaque vacance avec plus d’anxiété que son enfant.

Et une inquiétude incessante agitait son âme. Elle se