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point fait faire à Poulet sa première communion. Ils n’allaient point aux offices, n’approchaient point des sacrements, ou bien ne les recevaient qu’à Pâques selon les prescriptions formelles de l’Église ; mais pour les mioches, c’était autre chose ; et tous auraient reculé devant l’audace d’élever un enfant hors de cette loi commune, parce que la Religion, c’est la Religion.

Elle vit bien cette réprobation, et s’indigna en son âme de toutes ces pactisations, de ces arrangements de conscience, de cette universelle peur de tout, de la grande lâcheté gîtée au fond de tous les cœurs, et parée, quand elle se montre, de tant de masques respectables.

Le baron prit la direction des études de Paul, et le mit au latin. La mère n’avait plus qu’une recommandation : « Surtout ne le fatigue pas » ; et elle rôdait, inquiète, près de la chambre aux leçons, petit père lui en ayant interdit l’entrée, parce qu’elle interrompait à tout instant l’enseignement pour demander : « Tu n’as pas froid aux pieds, Poulet ? » Ou bien : « Tu n’as pas mal à la tête, Poulet ? » Ou bien pour arrêter le maître : « Ne le fais pas tant parler, tu vas lui fatiguer la gorge. »

Dès que le petit était libre, il descendait jardiner avec mère et tante. Ils avaient maintenant un grand amour pour la culture de la terre ; et tous trois plantaient des jeunes arbres au printemps, semaient des graines dont l’éclosion et la poussée les passionnaient, taillaient des branches, coupaient des fleurs pour faire des bouquets.

Le plus grand souci du jeune homme était la production des salades. Il dirigeait quatre grands carrés