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Et il s’en alla, si furieux que tout son corps tremblait.

Elle le suivit éperdue, prête à céder, commençant à promettre. Mais il demeurait vibrant d’indignation, marchant à pas rapides en secouant de rage son grand parapluie bleu presque aussi haut que lui.

Il aperçut Julien debout près de la barrière, dirigeant des travaux d’ébranchage ; alors il tourna à gauche pour traverser la ferme des Couillard ; et il répétait : « Laissez-moi, Madame, je n’ai plus rien à vous dire. »

Juste sur son chemin, au milieu de la cour, un tas d’enfants, ceux de la maison et ceux des voisins, attroupés autour de la loge de la chienne Mirza, contemplaient curieusement quelque chose, avec une attention concentrée et muette. Au milieu d’eux le baron, les mains derrière le dos, regardait aussi avec curiosité. On eût dit un maître d’école. Mais, quand il vit de loin le prêtre, il s’en alla pour éviter de le rencontrer, de le saluer, de lui parler.

Jeanne disait, suppliante : « Laissez-moi quelques jours, monsieur l’abbé, et revenez au château. Je vous raconterai ce que j’aurai pu faire, et ce que j’aurai préparé ; et nous aviserons. »

Ils arrivaient alors auprès du groupe des enfants ; et le curé s’approcha pour voir ce qui les intéressait ainsi. C’était la chienne qui mettait bas. Devant sa niche cinq petits grouillaient déjà autour de la mère qui les léchait avec tendresse, étendue sur le flanc, tout endolorie. Au moment où le prêtre se penchait, la bête crispée s’allongea et un sixième petit toutou parut. Tous les galopins alors, saisis de joie, se mirent à crier