Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.

m’écoute pas ; il ne m’aime plus ; il me maltraite sitôt que je manifeste un désir qui ne lui convient pas. Que puis-je ? »

Le curé, sans répondre directement, s’écria : « Alors, vous vous inclinez ! Vous vous résignez ! Vous consentez ! L’adultère est sous votre toit ; et vous le tolérez ! Le crime s’accomplit sous vos yeux, et vous détournez le regard ? Êtes-vous une épouse ? une chrétienne ? une mère ? »

Elle sanglotait : « Que voulez-vous que je fasse ? »

Il répliqua : « Tout plutôt que de permettre cette infamie. Tout, vous dis-je. Quittez-le. Fuyez cette maison souillée. »

Elle dit : « Mais je n’ai pas d’argent, monsieur l’abbé ; et puis je suis sans courage, maintenant ; et puis comment partir sans preuves ? Je n’en ai même pas le droit. »

Le prêtre se leva, frémissant : « C’est la lâcheté qui vous conseille, Madame, je vous croyais autre. Vous êtes indigne de la miséricorde de Dieu ! »

Elle tomba à ses genoux : « Oh ! je vous en prie, ne m’abandonnez pas, conseillez-moi ! »

Il prononça d’une voix brève : « Ouvrez les yeux de M. de Fourville. C’est à lui qu’il appartient de rompre cette liaison. »

À cette pensée une épouvante la saisit : « Mais il les tuerait ! monsieur l’abbé ! Et je commettrais une dénonciation ! Oh ! pas cela, jamais ! »

Alors, il leva la main comme pour la maudire, tout soulevé de colère : « Restez dans votre honte et dans votre crime ; car vous êtes plus coupable qu’eux. Vous êtes l’épouse complaisante ! Je n’ai plus rien à faire ici. »