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que chose remua. Et de là partit aussitôt un bruit singulier, un clapotement, un souffle de gorge étranglée qui suffoque ; puis soudain ce fut un long miaulement de chat, une plainte frêle et déjà douloureuse, le premier appel de souffrance de l’enfant entrant dans la vie.

Jeanne brusquement comprit, et, la tête égarée, courut à l’escalier criant : « Julien, Julien ! »

Il répondit d’en bas : « Qu’est-ce que tu veux ? »

Elle eut grand’peine à prononcer : « c’est… c’est Rosalie qui… »

Julien s’élança, gravit les marches deux par deux, et, entrant brusquement dans la chambre, il releva d’un seul coup les vêtements de la fillette et découvrit un affreux petit morceau de chair, plissé, geignant, crispé et tout gluant, qui s’agitait entre deux jambes nues.

Il se redressa, la face méchante, et poussant dehors sa femme éperdue : « Ça ne te regarde pas. Va-t’en. Envoie-moi Ludivine et le père Simon. »

Jeanne, toute tremblante, descendit à la cuisine, puis, n’osant plus remonter, elle entra dans le salon qui restait sans feu depuis le départ de ses parents, et elle attendit anxieusement des nouvelles.

Elle vit bientôt le domestique qui sortait en courant. Cinq minutes après il rentrait avec la veuve Dentu, la sage-femme du pays.

Alors ce fut dans l’escalier un grand remuement comme si on portait un blessé ; et Julien vint dire à Jeanne qu’elle pouvait remonter chez elle.

Elle tremblait comme si elle venait d’assister à quelque sinistre accident. Elle s’assit de nouveau devant son feu, puis demanda : « Comment va-t-elle ? »

Julien, préoccupé, nerveux, marchait à travers l’ap-