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les politesses de voisinage, personne ne trouva plus rien à dire. Alors on se félicita de part et d’autre sans raison. On continuerait, espérait-on des deux côtés, ces excellentes relations. C’était une ressource de se voir quand on habitait toute l’année la campagne.

Et l’atmosphère glaciale du salon pénétrait les os, enrouait les gorges. La baronne toussait maintenant sans avoir cessé tout à fait d’éternuer. Alors le baron donna le signal du départ. Les Briseville insistèrent. « Comment ? si vite ? Restez donc encore un peu. » Mais Jeanne s’était levée malgré les signes de Julien qui trouvait trop courte la visite.

On voulut sonner le domestique pour faire avancer la voiture. La sonnette ne marchait plus. Le maître du logis se précipita, puis vint annoncer qu’on avait mis les chevaux à l’écurie.

Il fallut attendre. Chacun cherchait une phrase, un mot à dire. On parla de l’hiver pluvieux. Jeanne, avec d’involontaires frissons d’angoisse, demanda ce que pouvaient faire leurs hôtes, tous deux seuls, toute l’année. Mais les Briseville s’étonnèrent de la question ; car ils s’occupaient sans cesse, écrivant beaucoup à leurs parents nobles semés par toute la France, passant leurs journées en des occupations microscopiques, cérémonieux l’un vis-à-vis de l’autre comme en face des étrangers, et causant majestueusement des affaires les plus insignifiantes.

Et sous le haut plafond noirci du vaste salon inhabité, tout empaqueté en des linges, l’homme et la femme si petits, si propres, si corrects, semblaient à Jeanne des conserves de noblesse.

Enfin la voiture passa devant les fenêtres avec ses