Ils gagnèrent Livourne, visitèrent Florence, Gênes, toute la Corniche.
Par un matin de mistral, ils se retrouvèrent à Marseille.
Deux mois s’étaient écoulés depuis leur départ des Peuples. On était au 15 octobre.
Jeanne, saisie par le grand vent froid qui semblait venir de là-bas, de la lointaine Normandie, se sentait triste. Julien, depuis quelque temps, semblait changé, fatigué, indifférent ; et elle avait peur sans savoir de quoi.
Elle retarda de quatre jours encore leur voyage de rentrée, ne pouvant se décider à quitter ce bon pays du soleil. Il lui semblait qu’elle venait d’accomplir le tour du bonheur.
Ils s’en allèrent enfin.
Ils devaient faire à Paris tous leurs achats pour leur installation définitive aux Peuples ; et Jeanne se réjouissait de rapporter des merveilles, grâce au cadeau de petite mère ; mais la première chose à laquelle elle songea fut le pistolet promis à la jeune Corse d’Évisa.
Le lendemain de leur arrivée elle dit à Julien :
— Mon chéri, veux-tu me rendre l’argent de maman parce que je vais faire mes emplettes ?
Il se tourna vers elle avec un visage mécontent.
— Combien te faut-il ?
Elle fut surprise et balbutia :
— Mais… ce que tu voudras.
Il reprit : « Je vais te donner cent francs ; surtout ne le gaspille pas. »
Elle ne savait plus que dire, interdite et confuse.