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blait qu’un bonheur nouveau avait commencé pour elle.

Elle attira dans sa chambre la petite femme de son hôte et, tout en établissant bien qu’elle ne voulait point lui faire de cadeau, elle insista, se fâchant même, pour lui envoyer de Paris, dès son retour, un souvenir, un souvenir auquel elle attachait une idée presque superstitieuse.

La jeune Corse résista longtemps, ne voulant point accepter. Enfin elle consentit : « Eh bien, dit-elle, envoyez-moi un petit pistolet, un tout petit. »

Jeanne ouvrit de grands yeux. L’autre ajouta tout bas, près de l’oreille, comme on confie un doux et intime secret : « C’est pour tuer mon beau-frère. » Et, souriant, elle déroula vivement les bandes qui enveloppaient le bras dont elle ne se servait point, puis, montrant sa chair ronde et blanche, traversée de part en part d’un coup de stylet presque cicatrisé : « Si je n’avais pas été aussi forte que lui, dit-elle, il m’aurait tuée. Mon mari n’est pas jaloux, lui, il me connaît ; et puis il est malade, vous savez ; et cela lui calme le sang. D’ailleurs, je suis une honnête femme, moi, Madame ; mais mon beau-frère