Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous êtes tout ce que j’aime au monde.

— Chut ! fit-elle

Et pendant quelques instants ils se regardèrent. Elle souriait, lui envoyant dans ce sourire toute sa reconnaissance, le remerciement de son cœur, et sa sympathie aussi, très sincère, très vive, devenue tendre. Il la contemplait, lui, avec des yeux qui la dévoraient. Il avait envie de tomber à ses pieds, de s’y rouler, de mordre sa robe, de crier quelque chose, et surtout de lui faire voir ce qu’il ne savait pas dire, ce qui était en lui des talons à la tête, dans son corps comme dans son âme, inexprimablement douloureux parce qu’il ne le pouvait montrer, son amour, son terrible et délicieux amour.

Mais elle le comprenait sans qu’il s’exprimât, comme un tireur devine que sa balle a fait un trou juste à la place de la mouche noire du carton. Il n’y avait plus rien dans cet homme, rien qu’Elle. Il était à elle plus qu’elle-même. Et elle était contente, et elle le trouvait charmant.

Elle lui dit, avec bonne humeur :

— Alors c’est entendu, nous faisons cette partie.

Il balbutia, la voix coupée par l’émotion :

— Mais oui, madame, c’est entendu.

Puis après un nouveau silence, elle reprit, sans autre excuse :

— Je ne peux vous garder plus longtemps aujourd’hui. Je suis rentrée uniquement pour vous dire cela, puisque je pars après-demain ! Toute ma jour-