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toutes les pendules de toutes ses amies ; elle l’avait vue approcher, minute par minute, chez Mme de Frémines, chez la marquise de Bratiane, chez la belle Mme Le Prieur, quand elle usait ses après-midi d’attente à travers Paris, pour ne pas rester chez elle, où une visite imprévue, un obstacle inattendu aurait pu l’immobiliser.

Elle se dit tout à coup : « Aujourd’hui, jour de chômage, j’irai très tard pour ne pas trop l’énerver ». Alors elle ouvrit, sur le devant du coupé, une sorte de petit placard invisible, caché sous la soie noire, dont la voiture, vrai boudoir de jeune femme, était capitonnée. Dès que les deux portes mignonnes de cette cachette se furent rabattues sur les côtés, apparut une glace à charnières qu’elle fit glisser, en l’élevant à la hauteur de son visage. Derrière cette glace s’alignaient en des niches de satin quelques petits objets en argent : une boîte pour la poudre de riz, un crayon pour les lèvres, deux flacons à parfums, un encrier, un porte-plume, des ciseaux, un mignon couteau à papier pour couper le livre, le dernier roman qu’on lisait en route. Une exquise pendule, grande et ronde comme une noix d’or, était fixée dans l’étoffe : elle marquait quatre heures.

Mme de Burne pensa : « J’ai encore une heure au moins », et elle toucha un ressort, qui fit prendre au valet de pied, assis à côté du cocher, le tube acoustique pour recevoir l’ordre.