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Elle parlait maintenant, elle disait l’intolérable torture de la solitude, l’inapaisable soif des caresses enfuies et le supplice de savoir qu’Il est parti pour toujours.

Sa voix chaude et vibrante faisait tressaillir les cœurs. Elle semblait souffrir tout ce qu’elle disait, aimer ou du moins être capable d’aimer d’une ardeur furieuse, cette sombre Italienne avec sa chevelure de ténèbres. Quand elle se tut, elle avait les yeux pleins de larmes, et elle les essuya lentement. Lamarthe, penché vers Mariolle, et tout frémissant d’exaltation artiste, lui dit :

— Dieu ! qu’elle est belle en ce moment, mon cher : c’est une femme, la seule qui soit ici.

Puis, après une courte réflexion il ajouta :

— Au fait, qui sait ? Il n’y a peut-être là qu’un mirage de la musique, car rien n’existe que l’illusion ! Mais quel art pour en donner des illusions, celui-là, et toutes les illusions !

Il y eut alors un repos entre la première et la deuxième partie du poème musical, et on félicita chaudement le compositeur et son interprète. Lamarthe surtout fut très ardent dans ses compliments, et il était vraiment sincère, en homme doué pour sentir, pour comprendre, et que touchent également toutes les formes exprimées de la beauté. La façon dont il dit à Mme de Bratiane ce qu’il avait éprouvé en l’écoutant fut flatteuse à la faire un peu rougir ; et les autres femmes qui l’entendirent en