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quand il serre jusqu’au sang la chair d’un homme.

Vingt jours passèrent, si doux, si légers ! Il lui semblait que cela ne devait pas finir, qu’il resterait toujours ainsi, disparu pour tous et vivant pour elle seule, et, dans sa pensée entraînable d’artiste infécond, toujours rongé d’attentes, naissait un impossible espoir de vie discrète, heureuse et cachée.

Elle venait, de trois jours en trois jours, sans résistance, attirée, semblait-il, autant par l’amusement de ce rendez-vous, par le charme de la petite maison devenue une serre de fleurs rares, et par la nouveauté de cette vie d’amour, à peine dangereuse, puisque personne n’avait le droit de la suivre, mais pleine de mystère cependant, que séduite par la tendresse prosternée et grandissante de son amant.

Puis un jour, elle lui dit :

— Maintenant, mon cher ami, il faut reparaître. Vous viendrez passer l’après-midi chez moi demain. J’ai annoncé que vous étiez revenu.

Il fut navré :

— Oh ! pourquoi sitôt ? dit-il.

— Parce que, si on apprenait, par hasard, que vous êtes à Paris, votre présence ici serait trop inexplicable pour ne pas faire naître des suppositions.

Il reconnut qu’elle avait raison, et promit de venir chez elle le lendemain. Il lui demanda ensuite :

— Vous recevez donc demain ?

— Oui, dit-elle. Il y a même chez moi une petite solennité.