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coup de choses, il s’était contenté de jouir de l’existence en spectateur, ou plutôt en amateur. Pauvre, il fût devenu sans aucun doute un homme remarquable ou célèbre ; né bien renté, il s’adressait l’éternel reproche de n’avoir pas su être quelqu’un. Il avait fait, il est vrai, des tentatives diverses, mais trop molles, vers les arts : une vers la littérature, en publiant des récits de voyage agréables, mouvementés et de style soigné ; une vers la musique, en pratiquant le violon, où il avait acquis, même parmi les exécutants de profession, un renom respecté d’amateur ; et une enfin vers la sculpture, cet art où l’adresse originale, où le don d’ébaucher des figures hardies et trompeuses remplacent pour les yeux ignorants le savoir et l’étude. Sa statuette en terre « Masseur tunisien » avait même obtenu quelque succès au Salon de l’année précédente.

Remarquable cavalier, c’était aussi, disait-on, un excellent escrimeur, bien qu’il ne tirât jamais en public, obéissant en cela peut-être à la même inquiétude qui le faisait se dérober aux milieux mondains, où des rivalités sérieuses étaient à craindre.

Mais ses amis l’appréciaient et le vantaient avec ensemble, peut-être parce qu’il leur portait peu d’ombrage. On le disait en tous cas sûr, dévoué, agréable de rapports et très sympathique de sa personne.

De taille plutôt grande, portant la barbe noire