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pied. Je vous renvoie d’ailleurs à la théorie mécanique de la chaleur de Helmholtz et de Schiaparelli. La chaleur du sol dépend principalement de la quantité de vapeur d’eau que contient l’atmosphère. Voici pourquoi : le pouvoir absorbant d’une molécule de vapeur aqueuse est seize mille fois supérieur à celui d’une molécule d’air sec ; donc la vapeur d’eau est notre magasin de chaleur ; et Mars ayant moins de nuages doit être en même temps beaucoup plus chaud et beaucoup plus froid que la Terre.

— Je ne le conteste plus.

— Fort bien. Maintenant, monsieur, écoutez-moi avec une grande attention. Je vous prie.

— Je ne fais que cela, monsieur.

— Vous avez entendu parler des fameux canaux découverts en 1884 par M. Schiaparelli.

— Très peu.

— Est-ce possible ! Sachez donc qu’en 1884, Mars se trouvant en opposition et séparée de nous par une distance de vingt-quatre millions de lieues seulement, M. Schiaparelli, un des plus éminents astronomes de notre siècle et un des observateurs les plus sûrs, découvrit tout à coup une grande quantité de lignes noires droites ou brisées suivant des formes géométriques constantes, et qui unissaient, à travers les continents, les mers de Mars ! Oui, oui, monsieur, des canaux rectilignes, des canaux géométriques, d’une largeur égale sur tout leur parcours, des canaux construits par des êtres ! Oui, monsieur, la preuve que Mars est habitée, qu’on y vit, qu’on y pense, qu’on y travaille, qu’on nous regarde : comprenez-vous, comprenez-vous ?

Il s’était approché, enfonçant dans mes yeux son regard fixe et brillant. Il reprit :

— Vingt-six mois plus tard, lors de l’opposition suivante, on a revu ces canaux, plus nombreux, oui, monsieur. Et ils sont gigantesques, leur largeur n’ayant pas moins de cent kilomètres.

Je souris en répondant :

— Cent kilomètres de largeur. Il a fallu de rudes ouvriers pour les creuser.

— Oh, monsieur, que dites-vous là ? Vous ignorez donc que ce travail est infiniment plus aisé sur Mars que sur la Terre, puisque la densité de ses matériaux constitutifs ne dépasse pas le soixante-neuvième des nôtres ! L’intensité de la pesanteur y atteint à peine le trente-septième de la nôtre. Un kilogramme d’eau n’y pèse que trois cent soixante-dix grammes !

Il me jetait ces chiffres avec une telle assurance, avec une telle confiance de commerçant qui sait la valeur d’un nombre, que je ne pus m’empêcher de rire tout à fait et j’avais envie de lui demander ce que pèsent, sur Mars, le sucre et le beurre.

Il remua la tête.

— Vous riez, monsieur, vous me prenez pour un imbécile après m’avoir pris pour un fou. Mais les chiffres que je vous cite sont ceux que vous trouverez dans tous les ouvrages spéciaux d’astronomie. Le diamètre de