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Mme  Colombel alors demanda : — Il vaudrait peut-être mieux retourner auprès d’elle. Mais Cimme aussitôt l’en dissuada : — Pourquoi faire, puisque vous ne pouvez rien changer à son état ? Nous sommes aussi bien ici.

Personne n’insista. Mme  Cimme considéra les deux oiseaux verts, dits inséparables. Elle loua en quelques phrases cette fidélité singulière et blâma les hommes de ne pas imiter ces bêtes. Cimme se mit à rire, regarda sa femme, chantonna d’un air goguenard : « Tra-la-la. Tra-la-la-la », comme pour laisser entendre bien des choses sur sa fidélité, à lui, Cimme.

Colombel, pris maintenant de crampes d’estomac, frappait le pavé de sa canne.

L’autre chat entra la queue en l’air.

On ne se mit à table qu’à une heure.

Dès qu’il eut goûté au vin, Colombel, à qui on avait recommandé de ne boire que du bordeaux de choix, rappela la servante :

— Dis donc, ma fille, est-ce qu’il n’y a rien de meilleur que cela dans la cave ?

— Oui monsieur, il y a du vin fin qu’on vous servait quand vous veniez.

— Eh bien, va nous en chercher trois bouteilles.

On goûta ce vin qui parut excellent ; non pas qu’il provînt d’un cru remarquable, mais il avait quinze ans de cave. Cimme déclara : — C’est du vrai vin de malade.

Colombel, saisi d’une envie ardente de posséder ce bordeaux, interrogea de nouveau la bonne : — Combien en reste-t-il, ma fille ?

— Oh ! presque tout, Monsieur, mamz’elle n’en buvait jamais. C’est le tas du fond.

Alors il se tourna vers son beau-frère : — Si vous vouliez, Cimme, je vous reprendrais ce vin-là pour autre chose, il convient merveilleusement à mon estomac.

La poule était entrée à son tour avec son troupeau de poussins ; les deux femmes s’amusaient à lui jeter des miettes.

On renvoya au jardin Joseph et le chien qui avaient assez mangé.

La reine Hortense parlait toujours, mais à voix basse