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prendre une résolution quelconque, énergique assurément, quand la porte du télégraphe s’ouvrit et la petite servante de la directrice parut, tenant à la main deux papiers.

Elle se dirigea d’abord vers le commandant et lui remit une des dépêches ; puis, traversant le milieu désert de la place, intimidée par tous les yeux fixés sur elle, baissant la tête et trottant menu, elle alla frapper doucement à la maison barricadée, comme si elle eût ignoré qu’un parti armé s’y cachait.

L’huis s’entrebâilla ; une main d’homme reçut le message, et la fillette revint, toute rouge, prête à pleurer, d’être dévisagée ainsi par le pays entier.

Le docteur commanda d’une voix vibrante :

— Un peu de silence, s’il vous plaît.

Et comme le populaire s’était tu, il reprit fièrement :

— Voici la communication que je reçois du gouvernement. Et, élevant sa dépêche, il lut :


« Ancien maire révoqué. Veuillez aviser au plus pressé. Recevrez instructions ultérieures.

« Pour le sous-préfet,
« Sapin, conseiller. »


Il triomphait ; son cœur battait de joie ; ses mains tremblaient, mais Picart, son ancien subalterne, lui cria d’un groupe voisin :

— C’est bon, tout ça, mais si les autres ne sortent pas, ça vous fait une belle jambe, votre papier.

Et M. Massarel pâlit. Si les autres ne sortaient pas, en effet, il fallait aller de l’avant maintenant. C’était non seulement son droit, mais aussi son devoir.

Et il regardait anxieusement la mairie, espérant qu’il allait voir la porte s’ouvrir et son adversaire se replier.

La porte restait fermée. Que faire ? La foule augmentait, se serrait autour de la milice. On riait.

Une réflexion surtout torturait le médecin. S’il donnait l’assaut, il faudrait marcher à la tête de ses hommes ; et comme, lui mort, toute contestation cesserait, c’était sur lui, sur lui seul que tireraient M. de Varnetot et ses trois gardes. Et ils tiraient bien, très bien ; Picart venait encore de le lui répé-