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n’en avait pas vu de pareilles depuis un mois. La bonne nouvelle courut rapidement à travers le pays, et le quai fut envahi gaiement par les femmes, les enfants, tandis que les agents des différentes usines se tenaient aux aguets jetant de loin des prix aux barques, au fur et à mesure qu’elles arrivaient.

Une femme surtout se montrait ardente, les mains en porte-voix, s’écriant :

— Trente-cinq francs et la goutte !…

— Dire qu’en 1871 ça se payait 75 francs ! grommela Balanec.

— Faut pas se plaindre, ça pourrait encore baisser, reprit un autre. Et du moment qu’on n’en est pas pour sa rogue, faut s’estimer heureux.

Les barques accourent en foule, sortant, tout à coup, par deux, par trois, de derrière le Grand-Gouin, comme si elles jaillissaient du rocher ; c’est une course rapide de grandes ailes de couleur, allant du blanc de la toile non teinte, au brun noir du goudron, au rouge du cachou.

Il y en a de plus rapides, qui gagnent sur les autres, les dépassent, glissent avec une vitesse prodigieuse vers la jetée ; beaucoup de celles-là appartiennent à des gens de Douarnenez qui ont profité, eux aussi, de ce passage de sardines et qui apportent, au plus près, à Camaret, leur pêche qui ne pourrait se conserver assez longtemps pour leur permettre de regagner leur port.