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Une à une les barques s’envolaient, comme de grands oiseaux aux ailes sombres ou éclatantes ; on entendait un choc de chaînes remuées, d’avirons rangés le long des bordages, puis, la voile blanche, brune ou rouge orangé montait le long des mâts avec un gracieux mouvement flottant de quelques secondes, jetant un cri aigu et musical ; après quelques bordées, elle prenait le vent, s’enflait, et la barque noire, à la coque luisante de coaltar, filait, penchée sur le côté, coupant l’eau de son avant, au milieu d’un floconnement mousseux.

Toutes, une fois la jetée dépassée, le phare tourné presque au ras des pierres, piquaient droit vers la pointe du Grand-Gouin, se suivant régulièrement, allant souvent deux par deux, de conserve, et disparaissaient soudain derrière l’énorme falaise, comme si elles se fussent englouties, coulant à pic.

Insensiblement le port se vidait ; il ne restait plus qu’une dizaine de barques semées çà et là, barques de retardataires, de négligents, d’absents ou de pêcheurs ne comptant pas sur la sardine ce jour-là, malgré les pronostics favorables, et ne voulant pas se mettre en frais inutilement.

— Hé ! garçon, ce sera bientôt ton tour !

Sans doute le naufragé avait fait de plus beaux rêves, était revenu avec des ambitions plus hautes que de se mettre pêcheur comme ses anciens