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chaînement de la pensée, et ce n’étaient plus que des phrases incohérentes, ou bien un récit fantastique, une belle légende sérieusement débitée, avec des : « Crois-tu ? » « Tu m’écoutes, au moins ? »

Hervé, encore inhabitué, tressaillait à la secousse sur ses nerfs de cette convulsion de gaieté ; mais Mariannik et son père étaient maintenant trop accoutumés au genre de folie de la pauvre petite pour y prêter attention : on la laissait errer à travers la maison, sans même s’occuper d’elle.

Ce fut d’elle enfin qu’il fut question entre les deux hommes, quand Yvonne, brisée de fatigue après cette rude journée, eût regagné son lit et se fût profondément endormie.

Alors Pierre Guivarcʼh raconta à son neveu les événements passés depuis son départ, depuis l’heure néfaste où l’on avait appris, en France, la perte de la Proserpine, corps et biens, la mort de son père et de sa mère, la folie de sa sœur.

La tête dans ses mains, les coudes plantés dans le bois de la table, Hervé écouta sans dire un mot, sans faire une observation ; à plusieurs reprises des larmes vinrent emplir ses paupières, mais il les écrasa du poing, rageusement, murmurant :

— Le malheur, toujours le malheur !… Ah ! je n’en ai pas encore fini avec lui !…

— Hein ! que veux-tu dire ? — interrogea le maître de port.