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rant de l’événement ; elle n’eut pas une hésitation, pas une crainte ; allant au jeune homme elle lui tendit ses joues :

— Ah ! cousin Hervé, quelle joie pour nous !

Les lèvres du naufragé se posèrent sur la peau satinée de la jeune fille, et une lueur de plaisir éclaira ses traits sombres, quand il dit :

— Mariannik !

Jamais il n’eût reconnu dans cette belle et robuste fille la petite bambine qui jouait autrefois avec lui et avec Yvonne : ses yeux se reposèrent sur elle avec une sensation de satisfaction et d’étonnement ; une exclamation jaillit, malgré lui, de son gosier contracté jusque-là :

— Comme tu es jolie !

— Ah ! dame ! Elle a poussé durant ton absence ! La voilà tantôt sur ses vingt-quatre ans.

Peu à peu, à mesure qu’il le voyait mieux aux lumières, Pierre Guivarcʼh secouait le frisson qui avait un moment traversé sa vieille chair bretonne ; il s’apprivoisait avec ce grand diable revenu de si loin, en le détaillant à l’aise, en constatant les changements opérés dans son visage tanné par les vents et les soleils de tous les pays, hâlé par les embruns de toutes les mers.

Il était bien de la famille, lui aussi, avec sa carrure, sa tête petite plantée dans de solides épaules, le nez en bec des Guivarcʼh, leur œil bleu clair ; lui aussi était oiseau de mer, mais avec quelque