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et un râle sinistre traînait le long de la grève.

Devant eux, la masse chaotique de la mer ; sur eux la solitude impressionnante des dunes, où les trous pleins d’ombre s’enfonçaient en immenses cavernes : derrière eux, le mystère opaque de la lande.

Bien qu’endurci par ses nombreux voyages, par toutes les aventures qu’il avait eues, par les innombrables périls courus, Jean-Marie-Hervé sentit malgré lui une secrète terreur l’envahir, grimper le long de ses jambes avec une sournoise lenteur, comme si elle fût sortie de cette terre prédestinée, venir hérisser son épiderme, et lui entrer violemment au fond du cœur, au fond du cerveau.

Pour un moment il redevint le véritable Breton, superstitieux, tremblant, toujours si brave devant un danger visible, courant en héros à la mort, mais ayant la crainte innée des êtres surnaturels qui peuplent pour lui la lande, le marais, la dune, les bords de la mer, les ravins, l’obscurité.

Le rire de la folle sonnait plus âpre près de lui, et il avait instinctivement fait plusieurs pas en arrière, quand, sur la hauteur, vers le sémaphore, des feux brillèrent.

— Des feux follets !… Regarde, ils vont danser sur la bruyère !… Moi, je les connais !…

Yvonne semblait ravie.

Son compagnon secoua la terreur absurde qui l’accablait, et ricana, se moquant de lui-même :