Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’étais si jeune !… Les mauvais exemples, l’or, la misère, les compagnons de tous les pays !… Oui, c’est tout cela qui m’a enveloppé, étourdi, un gouffre plus profond, plus terrible encore que celui où a disparu la Proserpine !… Alors, à quoi bon démentir ma mort, écrire, me souvenir que quelque chose me rattachait encore à la France !… Non, plutôt me tuer pour de bon, cette fois !… Et des ambitions, aussi ; la pensée de revenir très riche, pour toi, pour les vieux !… Les vieux, ils dorment au cimetière !… ils ne sont même pas devenus les vieux !… Et cela vaut mieux, puisque…

Son regard sombre chercha encore les Pierres-Noires.

— Au cimetière, il y a une croix blanche, toute blanche, c’est celle de Jean-Marie-Hervé, mon petit frère !… Il a péri en mer ; alors je l’attends, n’est-ce pas ?…

Interrompu ainsi, l’autre s’était arrêté, comme arraché à d’écrasantes pensées, et ses yeux examinèrent avec inquiétude la jeune fille ; il fit, étonné :

— Hein ! que dis-tu donc ?

Elle poursuivit :

— Tu ne l’as pas connu, mon petit Hervé, il était si doux, si joli, si bon !… Tous les jours je porte des fleurs au cimetière, mais je sais bien qu’il n’y est pas, va !… Il est sur la Proserpine, un beau bateau !… C’est lui qui me rapportera des cadeaux,