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retrouver dans ce visage de jeune fille les traits délicats, inoubliés, de l’enfant, et peu à peu, tandis que des larmes emplissaient enfin la cavité de ses yeux, adoucissant la dureté de son regard, il faisait :

— Oui, oui, c’est elle, c’est mon Yvonne, ma chère petite sœur adorée !

Il répétait ce nom, comme si ses lèvres eussent voulu savourer un fruit délicieux, s’accoutumer de nouveau à une saveur autrefois goûtée :

— Yvonne !… Yvonne !… Yvonne Guivarcʼh !…

La jeune fille approuvait silencieusement d’une inclinaison de la tête, regardant celui qui l’examinait ainsi et ne ressentant aucune frayeur de l’apparition si brusque de cet inconnu.

— Que te voilà devenue grande, ma chérie ! Que tu es jolie ! Alors, tu n’as pas oublié, toi, tu t’es souvenue toujours du pauvre exilé, du petit frère que tu aimais et qui t’aimait tant ! L’absence, les longues années sans nouvelles de lui, rien n’a pu effacer de ton cœur ton petit Jean-Marie-Hervé, n’est-ce pas, Yvonne ?…

Un sourire jouait sur les traits de la jeune fille, tandis que ses yeux fixes semblaient pénétrer dans les prunelles bleues de celui qui lui parlait, et y chercher très loin quelque vision chère ; la chanson, comme une abeille ivre de parfums, avait cessé de bourdonner sur sa bouche ; elle écoutait, remuée au plus profond de l’âme, toute la physionomie immobilisée dans une attention joyeuse.