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Ils écoutaient sans entendre ce qu’on leur disait, riaient d’un rire machinal, frottant béatement leurs doigts encore raides avec des gestes de bêtes heureuses, l’oreille inquiétée parfois par ce gros bruit râlant au dehors, et qui semblait les appeler, les réclamer, hurlement fauve de la mer, furieuse d’avoir laissé échapper cette proie.

Le premier qui s’arracha à cette torpeur était un homme robuste, les épaules larges, une face creusée par la fatigue, le vice ou la souffrance, avec de clairs yeux bleus et une barbe blonde très épaisse de la même couleur que la chevelure.

Il jetait autour de lui des regards étranges, examinant les objets, les figures des gens du pays avec une sorte de persistance gênante. Il écoutait tout ce que l’on disait sans en perdre une syllabe, semblant boire avidement les paroles sur les lèvres des Camaretois et des Camaretoises s’empressaient autour des naufragés : mais, par instants, une lueur furtive, quelque chose d’amer, de dur, d’acéré, allumait dans son œil une méchante expression.

Dès qu’il eut revêtu une vareuse épaisse, un pantalon bien sec et se fut coiffé d’un béret apporté par un voisin, il manifesta l’intention de sortir, grommelant entre ses dents qu’il voulait voir un peu le damné trou où cette sale mer l’avait jeté.

Cela ne fit pas bonne impression ; les gens du pays se regardèrent, ayant l’air de se demander