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tout le long des côtes, rien que ce continu mugissement du vent soufflant en foudre.

De temps en temps une trouée se fait dans les brouillards, mais si courte, si passagère, qu’on distingue à peine quelques secondes le bâtiment en détresse et que nul ne saurait dire si les sauveteurs ont pu le rejoindre.

Une à une les heures glissent, sans que la tempête diminue de violence, d’intensité, et, malgré le grand jour qui est tout à fait venu, le temps reste aussi sombre, aussi lugubre, si bien que cette tristesse de la nature semble, à plus d’un, présage de mort, et glace les cœurs les plus énergiques.

La journée s’avance ; la mer, après s’être retirée très loin, laissant tout le port à sec, reculant jusqu’à la cale voisine du phare, revient, remonte plus rapide, avec son même grondement de furie, son même échevèlement des vagues.

Au large, toujours rien, une nuit anticipée de mauvais augure, quelque chose de fatidique et de mystérieux, comme une barrière dressée, séparant ceux qui sont restés de ceux qui sont partis, sans marchander leur vie, pour sauver ces autres vies en péril. Il semble que tout soit fini.

Un deuil immense écrase le petit port ; la stupeur des grandes catastrophes pèse sur chacun ; tout travail est suspendu. Les plus faibles restent dans les maisons, sans force, anéantis d’un tel désastre ; les autres vont et viennent sur le quai, par-