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l’immense plage, et l’eau venait mourir plus loin, s’étalant en nappes de plus en plus reculées, ne ramenant plus dans son mouvant rouleau les débris de toute sorte qu’elle crachait devant elle, les oursins gris ou violets, les morceaux de bois, les transparentes méduses, tout ce que la colère de l’Océan mâchait depuis de lentes heures d’agonie.

Yvonne suivit cette mer, qui semblait maintenant la fuir, après avoir paru vouloir l’envelopper de son formidable et mouvant linceul ; ses pieds nus s’imprimèrent dans le sable mou, où l’eau montait tout à coup, après chaque pas, dans les traces moulant la forme des doigts et du talon.

Au loin, sous l’encre de l’horizon, entre le noir du ciel et le noir de la mer, c’était toujours la même fureur, la même lutte, les mêmes combats farouches ; au bord, par cette marée descendante, les vagues s’élevaient moins haut, revenaient parfois avec le renflement d’une colère momentanée pour s’enfuir un peu plus loin ; et l’innocente marchait toujours, sa chanson aux lèvres, versant sur cette irritation le baume apaisant de sa voix de caresse, l’huile fascinante de ses mélodiques tendresses.

Elle ne vit rien, ni le bâtiment en détresse, que l’on avait aperçu, dès les premières lueurs frisantes du jour, se débattant tout là-bas, entre les écueils du Toulinguet et les premiers des Pierres-Noires, ni le canot de sauvetage bondissant entre