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scène de désolation et d’horreur ; pas une voile en vue, partout des tourbillons, une rage de destruction, une poussée de toute l’Atlantique contre cette côte bretonne qui tremble, s’émiette, mais résiste de ses rocs déchiquetés à cet assaut sans fin.

Tout semble devoir s’engloutir sous ces longues rangées de lames formidables ; elles s’enflent, montent les unes par-dessus les autres, puis roulent sur elles-mêmes et viennent abattre d’incessantes nappes de neige jusqu’aux pieds de la chanteuse.

Une grêle et mignonne créature au milieu de cette immensité. Petite, les cheveux blonds arrachés de la coiffe blanche par la rafale et répandus sur les épaules en mèches éparses un peu partout, fouettant les yeux, les joues, une chevelure d’un blond déteint, décoloré. Là-dessous des yeux vifs, clairs, brillants ainsi que de purs miroirs, éclatant en merveilleuses fleurs bleues dans cette face de pauvrette, dévorée de taches de rousseur, mangée de rouille comme une lame d’acier vierge, constamment exposée au vent humide et poisseux de la mer ; mais sous cette croûte de hâle, une peau très blanche, dont on aperçoit un coin par un entre-bâillement du col.

C’est Yvonne Guivarcʼh.

Pauvre et charmante épave, on la croirait jetée là par la tempête !