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Comme il adorait les enfants, les faibles, qu’il s’appliquait à protéger ceux qui souffraient, ceux qui ne pouvaient se défendre, on crut à une sorte d’affection paternelle, bien dans son caractère.

On ne tarda pas à remarquer que la folle n’était qu’un prétexte ; il fut bientôt clair pour tous que Jean-Vincent-Corentin aimait Mariannik, la fille du maître de port, la cousine d’Yvonne : sa subite et visible tendresse pour la malheureuse affligée masquait mal sa réelle passion pour l’autre.

Comme il était très aimé de tous, on ne lui garda pas rancune du mystère qu’il mettait dans cette soudaine transformation ; on vit bien là une nouvelle preuve de la timidité naturelle de ce brave et hardi compagnon. Il n’hésitait pas une seconde à risquer sa vie, mais il n’eût jamais osé adresser la parole à la jeune fille qui, pour la première fois, remuait délicieusement son cœur, ce cœur qu’il avait pu croire de pierre comme ses muscles et qui, tout à coup, s’éveillait au moment où il s’y attendait le moins.

Maître Guivarcʼh, mis au courant du grand événement par les allusions risquées devant lui, par les racontars, se disait qu’il n’hésiterait pas à ouvrir ses bras à ce gendre, le jour où il se déclarerait ouvertement ; il trouvait que ce serait pour sa Mariannik le mari qu’il lui eût choisi entre tous, mais il n’avait pas encore osé interroger la jeune fille, ne voulant rien brusquer.