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qu’il est le meilleur, le plus fin pêcheur de Camaret, qu’on lui a, dès l’enfance, entre gamins, donné pour la première fois ce surnom de Tonton Corentin, qui jure encore à présent avec sa figure jeune, sa barbe sans fil d’argent, sa vigueur.

Il est en quelque sorte devenu la personnification du pêcheur breton dans sa perfection, dans sa rude franchise, dans sa bonté, dans son cœur hospitalier, désintéressé et simple, dans sa fierté native, enfin dans son mépris complet de la mort, dans son dévouement.

Jusqu’à ce jour, en dehors de la mer et de sa barque la Corentine, il n’a eu aucune passion violente au fond du cœur ; il a vécu seul et libre, toujours garçon, très doux avec les enfants, aimant la société des bons camarades, des joyeux amis, mais laissant autour de lui rire et coqueter les filles attirées par sa fière mine, sans prêter attention à leurs jeux de coquetterie, à leurs avances. Dans Camaret, on disait en parlant de Tonton Corentin :

— Oh ! celui-là, son amoureuse, c’est Corentine ! Sa barque !

Puis, peu à peu, une sorte de révolution parut s’être faite dans son cœur ; il avait semblé, parmi les jeunes Camaretoises, en remarquer une.

D’abord cela fut très mystérieux, très enveloppé de choses déconcertantes ; on le vit s’occuper sans cesse d’Yvonne Guivarcʼh, de la pauvre innocente.