Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lutté contre elle : il l’aime passionnément, farouchement, exclusivement, et lui revient toujours.

Elle lui a pris son père, ses oncles, des frères, des parents, des amis ; elle lui a, à plusieurs reprises, habillé de noir tous les siens ; elle lui a percé le cœur, torturé le corps, broyé l’âme. Il l’a injuriée, traitée de chienne enragée, de maudite, de sans-cœur ; il l’a combattue de ses rudes poings, il s’est empoigné corps à corps avec elle, et il l’adore comme au premier jour, toujours prêt quand même à tout quitter quand elle l’appelle de sa voix caressante et grondeuse. C’est la vieille amante, plus puissante que tout. Elle d’abord, et puis, adieu va !

Malgré sa jeunesse, à cause de son adresse, de son expérience, surtout de sa force, cette force qui est, comme aux anciens temps, pour les simples qui l’entourent, le vrai signe de la puissance et du commandement, on l’a choisi comme patron du canot de sauvetage, et déjà ses exploits, ses actes de dévouement ne se comptent plus. Son équipage est dans sa main, dévoué, souple, docile à le suivre partout, à toute heure, tant la confiance en lui est complète, absolue.

Qu’il y ait une contestation, une bataille, un arbitrage, un péril, un malheur, c’est à lui que l’on accourt comme à la suprême ressource, au bon conseil, au sauveteur.

C’est aussi en raison de cette sagesse précoce, de son jugement toujours sûr, de même que parce