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connu de toute la côte, d’un nom fameux déjà dans les annales du sauvetage, d’un nom respecté et béni, Tonton Corentin.

Tout jeune encore, il n’avait pas plus de trente-trois ans, celui qui portait ce surnom d’ancêtre, cette adjonctive épithète de Tonton, qui veut dire oncle presque partout en Bretagne, et qui s’applique familièrement à Camaret à tous les vieillards, comme celle de tante à toutes les vieilles femmes.

D’une stature herculéenne, près de six pieds de haut, les bras comme des poutres chevillées dans des épaules d’une largeur et d’une épaisseur formidables, les pectoraux bombés en relief sous le tricot de laine, les reins solidement assis sur des jambes pareilles à des piliers, les mains à broyer les cailloux, il semblait quelqu’un de ces colosses de granit que la fantaisie des vagues, l’usure des siècles ont sculptés ça et là en pleine falaise, le long de ces terribles côtes de Bretagne.

Avec cela une beauté mâle, une physionomie d’une douceur extrême, décelée par l’expression de bonté naïve, presque timide, de ces yeux bleus, de ce clair bleu particulier aux pêcheurs bretons, et que troublent les orages du cœur et de l’âme comme la tempête trouble la transparence de l’Océan sur les grèves de sable.

De courts cheveux châtains presque blonds roulaient leurs anneaux serrés sur sa tête forte, proportionnée à sa haute taille, et bouclaient autour